Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
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Bonne balade dans le noir !

jeudi 30 novembre 2017

[Go !] - La sélection 2018 du Fauve polar SNCF d’Angoulême

Le FIBD vient de rendre publiques ses sélections 2018 et pour le Fauve Polar, parrainé depuis sa création par la SNCF, la bataille va être sévère, tant les albums sont excellents. Passage en revue des troupes…

Et si pour commencer, nous parlions de votre futur ? Vous reprendrez bien une louche d’avenir radieux ? Vous savez, celui promis par ce formidable monde numérique, où tout va se résoudre grâce aux innovations technologiques quotidiennes d’entreprises prêtes à tout pour notre bonheur. C’est tout le propos de Robin Cousin dans Le Profil de Jean Melville (éditions Flblb), formidable plongée au coeur d’une multinationale en passe de conquérir le monde grâce à des lunettes de réalité virtuelle, qui font office de coach personnel… Entre autres ! Mais au moment où l’application qui fait le buzz semble en passe de conquérir le monde, des pannes d’internet à répétition viennent contrarier cette belle marche en avant du progrès. Sabotage ? Mais par qui ? Ce polar scientifique, derrière son aspect graphique « enfantin », pose des questions fondamentales sur l’exploitation des données personnelles, le respect de la vie privée, et toute sortes de menus détails du quotidien du citoyen du XXIème siècle.



Et c’est sur cette même thématique du réseau mondial du futur que porte l’intrigue de Brian K. Vaughn, dessinée par Martin Marcos, The Private Eye (Urban Comics). Mais là, les auteurs vont encore plus loin en imaginant que le « Cloud », où tout le monde a placé jusqu’aux plus intimes de ses fichiers, a implosé, exposant à toutes et tous les secrets de son voisin sur la place publique. Une catastrophe mondiale, qui a mis illico fin à Internet tel que nous le connaissons et remis sur en selle un autre réseau, celui de la télévision (« Teevee »), et qui a fait de la presse, des journalistes, une véritable police, qui a toujours un coup d’avance sur les vraies force de l’ordre... Mais il reste de vrais détectives privés et on suit l’enquête d’un certain « Patrick Immelman », dans le Los Angeles de 2076, où tout le monde a une identité secrète et se balade dans la rue affublé de masques et costumes délirants. Une enquête menée tambour battant, et  qui va se révéler explosive pour la Terre entière, dans un album au format à l’italienne rendant grâce aux strips initialement publié… sur internet. A coup sûr, un des meilleurs comics de ces dernières années, et un futur classique ! 

Le quotidien de la petite ville italienne où se déroule l’intrigue de La Cité des trois Saints de Bizarri et Nardella (Sarbacane) est des plus rugueux. La mafia règne dans les rues, et il est difficile d’y échapper. C’est pourtant ce que vont essayer de faire les trois personnages principaux : Michele, ex-gloire de la boxe tombé dans la dope, Nicandro, petite frappe des quartiers au caractère sanguin et Marciano, ex-mafieux lui-même, reconverti en vendeur de paninis. Les destinées de ces trois hommes vont se croiser, au moment même où se déroule une procession, point d’orgue de la fête traditionnelle locale, en honneur aux trois saints locaux. Récit sec comme un coup de poing, au dessin baignée par une lumière crépusculaire, et presque doux par moment, cette tranche de vie ordinaire se lit en apnée : la tension y est telle que chacun est au bord de la rupture constamment. Dans une atmosphère masculine, les femmes – celle de Marciano, qui a trop souffert du passé de son mari et la petite amie de Nicandro, qui elle ne veut pas souffrir d’un futur inéluctablement violent – sont les voies de la raison. Mais la raison fait-elle partie de la panoplie des petits maîtres de la ville ?

C’est aussi une femme qui est au centre de Bâtard, de Max de Radigues, mais elle n’est pas seule : accompagnée de son fiston, elle est en cavale à travers les Etats-Unis, après le braquage simultané de… 52 banques d’une même ville ! Evidemment, ils n’étaient pas les seuls sur ce coup d’éclat, mais les autres complices se font petit à petit éliminer, et l’improbable duo va devoir se défendre. Mais contre qui en fait ? Les presque deux cents pages de cet album nerveux et tendre à la fois se lisent d’un bloc, comme un vrai thriller. A noter que comme The Private Eye  , Bâtard a été publié en ligne, sur le blog de l’auteur. Et que c’est un album qu’on retrouve aussi dans le Prix SNCF du Polar 2018.

  Quant au dernier livre  de cette sélection, au titre fort qui donne fort envie de s’y plonger, Jean Doux et le mystère de la disquette molle (Delcourt) de Philippe Valette et bien… je vous en parle dès que je l’aurai lu. Mais s’il est de la qualité des quatre autres, moi je dis : il va y avoir du sang sur les murs de l’espace polar SNCF où se réunit traditionnellement le jury…


Verdict le 4 janvier 2018 !

jeudi 23 novembre 2017

[Kafkaien] - Quatre jours de descente, par Bonne (Mosquito) ***

Une fois n’est pas coutume, reprenons la quatrième de couverture en guise de présentation :



« Charles Mirmetz a été désigné comme juré dans un procès d’assise dans les années soixante. Homme scrupuleux, il se rend compte que le présumé coupable, qui risque sa tête, est innocent. Perturbé par cette découverte, il constate avec effroi que son propre passé remonte de manière fantastique… Quel lien a-t-il avec ce crime ? »





Au delà de la réponse à cette question centrale, ligne de suspense tendue d’un bout à l’autre de l’album, Grégoire Bonne donne à lire un récit psychologique habile, dans l’autre aspect de son scénario, le procès d’assises.
Sans aller jusqu’à en démonter les mécanismes, il réussit parfaitement, et rapidement, à faire entrer son lecteur dans la peau – et surtout la tête – d’un quidam devenu, le temps d’une affaire, un juré parmi d’autres. Myrmetz s’implique totalement, au grand dam de son épouse, qui s’inquiète pour son avenir professionnel, et fait aussi culpabiliser son mari sur la disparition de leur enfant.
Une double pression qui ne manque pas de perturber sérieusement Myrmetz, dont les rêves prennent une tournure des plus étranges et angoissantes.

Et si cette atmosphère pas loin d’être irréelle plane de la première à la dernière page, c’est aussi grâce au dessin envoûtant de Grégoire Bonne, proche d’un Chabouté, d’un Rabaté (période Ibicus) sans oublier des réminiscences à la Di Marco, parfaite pour ce genre d’histoire. Ses scènes urbaines et nocturnes sont d’une grande force, et sa galerie de personnages au faciès flippants remarquable.
« Mais pourquoi laisse-t-on entrer dans la police des gens avec des têtes pareilles ? » : la réflexion de Mirmetz fait sourire, mais c’est tout de même la noirceur d’âme qui l’emporte dans ce « Quatre jours de descente », belle réussite des éditions Mosquito.



A noter que Grégoire Bonne vient de recevoir le prix « Bulles de Sang d'Encre 2017 », du festival de polar de Vienne (Isère) destiné à un auteur de Bande Dessinée pour ce livre.
Champagne !

Quatre jours de descente ***
Scénario et dessin Grégoire Bonne
Mosquito, 2017 – 78 pages noir et blanc – 18 €

lundi 6 novembre 2017

[Intégrale NOIR] – Le côté obscur de la ligne Clerc… bientôt chez Dupuis !

Après Phil Perfect, Rock et Science-Fiction, Serge Clerc a préparé, avec la minutie qu’on lui connaît, sa quatrième intégrale, cette fois-ci entièrement consacré au Noir. 
 
On le sait moins, mais ce pilier de Métal Hurlant, renommé pour ses dessins dans la presse rock, et créateur du génial Phil Perfect, a depuis longtemps un amour du polar, genre qu’il a vraiment découvert à la fin des années 70, avec un goût prononcé pour la littérature d’espionnage et en particulier pour John Le Carré et Eric Ambler. Sans oublier le noir façon Chandler, ou Manchette, avec qui il fera un bout de chemin, mais sur la route de la SF….




L’intégrale regroupera les albums « Manoir », publié initialement chez Albin Michel en 1988, « L’irrésistible ascension » - dans ses deux versions – et quelques récits complets. Et une myriade de dessins issus des archives de Serge Clerc. 
 
Je vous en reparlerai plus longuement à sa sortie, mais sachez que cette intégrale, qui parait en décembre, sera en vente en avant-première exclusive les 18 et 19 novembre prochains, au salon « Noir sur la Ville » de Lamballe (Côtes d’Armor) dont Serge Clerc a réalisé l’affiche. Et pour que l’événement soit complet une expo « De Phil Perfect  à Johnny Bahamas » sera présentée. Un petit voyage dans les Côtes d’Armor s’impose, non ?


dimanche 5 novembre 2017

[Jailbreak] - Dead inside, par Arcudi, Fejzula et May (Delcourt comics)****

L’inspectrice Linda Caruso est appelée par sa chef, le lieutenant Payton , elle doit se rendre fissa à la prison du Comté. Une affaire simple : un détenu en a liquidé un autre et s’est pendu tout de suite après. Comme personne ne semble vouloir s’émouvoir de cette double disparition, Caruso est fortement invitée à ne pas creuser le dossier. Et pourtant, la jeune femme a quelques doutes sur ce cas, moins banal qu’on veut bien le laisser entendre. Déjà, les deux morts lui posent problème… Mack, la première victime était un mastodonte, craint dans toute la prison, et a été retrouvé la poitrine explosée et lacérée à l’arme blanche. Et le coupable serait un certain Gaffney, plutôt lui à ranger dans la catégorie poids mouche… Déjà, la confrontation semble improbable. Et puis, Caruso découvre vite que le dénommé Gaffney n’avait plus que cinq mois à tirer. Quel intérêt pour lui d’aller assassiner le caïd de la prison ? La jeune inspectrice a beau faire part de ses suspicions, on lui refuse tout, y compris des autopsies. Mais elle réussit tout de même à arracher – sans rien dire à sa supérieure – une radio de l’estomac de Gaffney, car elle soupçonne la présence d’une pilule qui l’aurait mis dans un état second. Et lorsqu’elle découvre sur les clichés… une balle, elle tient enfin quelque chose qui va remettre tout en question. Mais la laissera-t-on aller jusqu’au bout ?

Ce one-shot nerveux et intelligent se lit d’un trait. D’entrée, le dessin de Toni Fejzula subjugue. La première planche est faite de six très gros plans, détails quasi-surréalistes de la scène que l’on découvre la page d’après, cette fois une case unique et spectaculaire : l’acte criminel originel, celui par qui tout va se déclencher. Une fois happé par ces images fortes, c’est au tour de l’intrigue de s’installer, doucement, sans précipitation, et ce qui semble au départ un banal règlement de comptes entre détenus va petit à petit se muer en une histoire beaucoup plus complexe, aux multiples fils à dénouer. Et ce sont les personnages, excellents, créées par John Arcudi qui portent parfaitement cette histoire sombre. Et en premier lieu, l’impétueuse Linda Caruso, véritable battante, qui en a marre d’être prise pour une bille et a le fort sentiment d’avoir été mise sur une voie de garage depuis qu’elle a été « promue » inspectrice. Autour d’elle, ses collègues, le directeur de la prison, les matons, les prisonniers, tous forment un cercle étourdissant, hypnotique, prêt à la précipiter dans le vide. Mais son caractère de tête brûlée va lui sauver la mise et rarement on aura croisé un personnage de femme-flic aussi fort.
Tous ces personnages sont superbement campés par Fejzula, qui en a fait des hommes et des femmes mémorables. Le sketchbook, annoté par le dessinateur lui-même, et qui figure en point d’orgue de cet album est éminemment instructif et se lit avec gourmandise. Tout comme il est roboratif de découvrir les différentes couvertures – signées du grand Dave Johnson – des cinq numéros originaux de la série, et celles imaginées par d’autres grands noms du comics.
Une édition soignée, donc, comme Delcourt a du reste l’habitude d’en réaliser.

En prime, la preview de l’album : c’est ici !



Dead inside ****
Scénario JohnArcudi, dessin Toni Fejzula et couleurs André May
Delcourt, 2017 – 128 pages couleur - Collection Delcourt comics – 16,50 €