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Bonne balade dans le noir !

lundi 12 décembre 2016

[White jazz et roman noir] - La Femme aux cartes postales, par Paiement et Eid (La Pastèque)

Avril 1957. Rose Grenier quitte sa campagne québecoise pour Montréal, où elle compte retrouver un certain "R", pianiste de jazz au Tam Tam Club. En partant, elle sait qu'elle va briser le coeur de sa pauvre mère, et elle s'en excuse dans la lettre qu'elle lui laisse. C'est que l'appel d'une nouvelle vie, d'autres envies, sont les plus forts : Rose rêve de devenir chanteuse de jazz et la carte postale enthousiasmante de "R", débordante de promesses, a achevé de la convaincre à partir. Hélas, quand elle arrive sur place, la réalité est bien plus cruelle : le club a fermé ses portes, placardées d'un avis de l'escouade de la moralité, dont la jeune femme ignorait tout. Et son Roméo a lui aussi disparu de la circulation. La voici condamnée à aller de petits boulots en petits boulots, en continuant à se bercer d'illusions, pour le moment perdues...
Paris, novembre 2002. La police française demande à entendre un certain Victor Weiss, professeur d'anthropologie à l'université de Paris 8. La police, ou plutôt la CIA... à la grande surprise de Weiss. Ce premier étonnement n'est rien à côté de ce qu'il va apprendre : il avait un frère jumeau, dont le cadavre a été retrouvé parmi ceux de l'attentat du World Trade Center. Un choc pour Victor, qui ignorait tout de l'existence de ce frère jumeau. Il décide de faire la lumière sur ce passé familial complètement resté dans l'ombre et part pour New-York...
Quelle belle surprise que cet album, tombé du ciel québécois ! Les bandes dessinées de nos cousins d'outre-Atlantique n'arrivent pas toutes jusqu'à nous, aussi il faut se réjouir de pouvoir lire cette "femme aux cartes postales" de Claude Paiement et Jean-Paul Eid, un vrai bonheur de lecture.
Bon, il est aisé de deviner que les destinées de Rose et Victor sont mêlées, car le récit est construit en ce sens : deux vies que l'on suit en parallèle, et qui mèneront à un point de rencontre. Mais pour y arriver, que d'émotions traversées par tous les personnages, quelles vies tumultueuses ! Celle qui attire tous les feux est évidemment Rose, la jeune femme qui va réussir la brillante carrière qu'elle espérait (oui, ce n'est pas gâcher le plaisir que de révéler cela... car l'album fait plus de 220 pages, et il s'y passe tant de choses...), Rose, donc, mais aussi Art "Tricky" MacPhee, trompettiste génial, et Roméo "Lefty" King, pianiste et compositeur talentueux. C'est l'ascension et la chute de ce trio uni par la musique et l'amitié, que le lecteur va suivre, de ses tournées triomphales jusqu'au déclin des boites de jazz. Et dans le même temps, le même lecteur arpente le pays avec Victor Weiss, à la découverte de ce jumeau surgi de nulle part. 
Et c'est un vrai suspense, multiforme, qu'installent les auteurs, en semant de petits cailloux tout au long de leur récit : comment Rose va-t-elle se sortir de ses débuts difficiles ? Qui de Tricky ou de Lefty est-il vraiment amoureux d'elle ? Va-t-elle longtemps supporter de jouer dans des clubs aux mains de la Mafia ? Jusqu'où Victor va-t-il réussir à aller ? Ne ferait-il pas mieux de tout arrêter avant de découvrir une vérité trop terrible ?
Ce ne sont que quelques-unes des questions qui surgissent au fil des pages de cette bande dessinée réellement jubilatoire... malgré un côté sombre qui gagne du terrain à l'approche du final. Car oui, cette lumineuse destinée de Rose - qui s'envoie des cartes postales à elle-même, pour ne rien oublier de tous les instants intenses qu'elle vit - tient, au bout du compte, beaucoup plus du roman noir que de la bleuette. Et c'est clairement un des meilleurs albums de cet année. Il était temps que je vous en parle ! Merci donc à La Pastèque, éditeur aux choix judicieux (rappelez-vous du formidable "Lartigues et Prévert", c'était déjà chez eux)

A noter que "La Femme aux cartes postales" a reçu le Prix de la critique ACBD de la bandedessinée 2016.

La Femme aux cartes postales ****
Textes de Claude Paiement et dessins de Jean-Paul Eid
La Pastèque, 2016 - 228 pages noir et blanc - 23 €

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