Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
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Bonne balade dans le noir !

mercredi 26 février 2014

[Come-back] - Before watchmen : Minutemen et Before Watchmen : Compagnon (Urban Comics)

Les Watchmen, d'Alan Moore et Dave Gibbons, ont marqué, en 1986-87, un véritable tournant dans l'histoire des comics : en mettant en scène des super-héros vieillissant, aux pouvoirs quasi-inexistants - à l'exception notable du Docteur Manhattan, figure du super-héros définitif - oubliés de tous, et évoluant dans un monde au bord d'un effondrement inexorable, Moore et Gibbons ont donné un sacré coup de pied dans la fourmilière des justiciers costumés. Après cette série de 12 épisodes, et deux autres monuments du genre : "Sin City" (Frank Miller) et "V pour Vendetta" (Moore encore, et Lloyd), publiés en ces mêmes années 80 agonisantes, il fut impossible de lire les comics avec le même oeil. Et pour les auteurs, d'en écrire comme si rien ne s'était passé... et l'influence de ces oeuvres sur l'ensemble de la production a été perceptible. Avec les Watchmen, on laissait un peu de côté - pas mal, même ! - l'aspect divertissant de la bande dessinée pour se permettre de réfléchir un peu sur le statut même des héros, leurs motivations profondes, leurs conditions de vie, bref, toute une arrière-cuisine jusqu'alors largement ignorée... et racontée par les "héros" eux-mêmes. C'est ainsi  que les deux premiers épisodes des Watchmen se terminent par des extraits de l'autobiographie "Sous le masque", signée Hollis Mason, alias le Hibou. Et c'est cette autobiographie qui sert de base au premier "prequel" de la série, Before Watchmen.
"Minutemen" de Darwyn Cooke (auteur de l'excellente adaptation des romans de Richard Stark "Parker") revient en effet sur cette organisation d'aventuriers déguisés constituée du Comédien, du Hibou, du Spectre Soyeux, du Capitaine Metropolis, du Juge Masqué, de l'Homme-Insecte, de la Silhouette et de Bill Dollar. Huit personnages dont les vies et destins avaient été esquissées ,ou dévoilées par touches discrètes, dans les "Watchmen", et sur lesquels Cooke revient, avec tout son talent narratif et graphique. Et là où on pouvait craindre une déception, même légère, tant la matrice originelle est puissante, il n'en est rien, c'est même tout l'inverse : l'esprit qui régnait sur la série de Moore et Gibbons est là, et c'est (presque) comme si les maîtres étaient aux commandes. Cooke a donc choisi de s'appuyer sur le récit autobiographique du Hibou, et de faire naviguer son intrigue entre les années 60 - période où Hollis Mason décide de faire paraître son livre, mais de recueillir auparavant l'avis de ses ex-coéquipiers - et les années 40, où les Minutemen étaient en activité. Cela fonctionne à merveille, et permet de revisiter le mythe Watchmen, et même, de lui apporter de l'ampleur.
"Before Watchmen" est en fait imaginé sur ce principe : chacun des auteurs, d'ailleurs triés sur le volet  parmi les plus doués de la génération actuelle, s'empare d'un aspect (un personnage le plus souvent) des Watchmen, pour en faire un récit à part entière.

Si celui de Darwyn Cooke est de longue haleine et tient sur plus de 160 planches, le deuxième volume "Compagnon", regroupe lui trois mini-récits. Le premier signé Len Wein & Steve Rude, s'intitule "Bill Dollar" et retrace la carrière étonnante et météorique de ce personnage qui a rejoint les Minutemen, alors qu'il n'était qu'un acteur, jouant le rôle d'un super-héros de pacotille, protecteur-mascotte d'une banque. La mise en abyme, omniprésente dans les Watchmen, est ici encore plus flagrante, avec ce personnage qui doute lui-même de son statut de héros, et qui d'ailleurs aura une fin qui ne sera pas du tout  celle d'un héros...
Le deuxième récit; "Moloch",  de Joe Michael Straczynski & Eduardo Risso (quand je vous disais que la fine-fleur des auteurs était là...) s'attache à la destinée tragique du seul méchant présent de manière un peu continue dans les Watchmen : Edgar Jacobi, un être difforme se faisant appeler Moloch. Sa route va croiser celle d'Ozymandias, qui a pour lui de grands projets...
Enfin, ce volume se conclut sur une étonnante aventure de... pirates signée John Higgins, le coloriste historique des Watchmen. Et là, quelle puissance graphique ! Bon, cette histoire, "Le Corsaire sanglant", n'est évidemment pas sans rappeler, au hasard, les tribulations de Jack Sparrow lorsqu'il croise le Hollandais Volant, puisque ce même vaisseau recueille l'aspirant officier Gordon McClachlan, mais peu importe : elle est portée par le souffle de l'aventure, et nous emmène loin, jusqu'au porte de la noirceur des âmes... Le rapport avec les Watchmen, à part John Higgins ? Dès le Watchmen 3, un jeune Noir lit au pied du kiosque à journaux le comics "Tales of the Black Freighter" (les Contes du Vaisseau Noir), une BD dont on voit certaines cases, dessinées dans un autre style. La BD dans la BD, et à la fin du Watchmen 5, un long article revient sur la carrière du dessinateur virtuose Joe Orlando, qui éclaboussa de tout son talent ces histoires de pirates. La boucle est une fois de plus bouclée avec John Higgins et son "corsaire sanglant".
"Before Watchmen" a déjà été publié en version presse, mais si vous avez aimé les Watchmen, ces éditions cartonnées, dans la collection DC Deluxe, doivent absolument rejoindre votre bibliothèque : elles sont magnifiques ... et la série est une réussite ! Les  titres à suivre sont "Rorschach" et "Spectre Soyeux". Et en attendant, vous pouvez aussi vous replonger, chez le même éditeur, dans la version intégrale des Watchmen, qui reprend la traduction originale  que Jean-Patrick Manchette avait donnée pour les vénérables éditions Zenda.

Before Watchmen, Urban Comics 2014
1 - Minutemen
Scénario et dessin Darwyn Cooke - 170 pages couleurs - 15 €
2 - Compagnon
Scénario et dessins Len Wein & Steve Rude, Joe Michael Straczynski & Eduardo Risso, John Higgins - 150 pages couleurs - 15 €

Watchmen
Scénario Alan Moore et dessin Dave Gibbons - Urban Comics, 2012
464 pages couleurs - Collections DC Essentiels - 35 €

dimanche 23 février 2014

[Nouveauté] - Le Théorème de Karinthy, par Ulbert et Mailliet (Des Ronds dans l'O)

Dès sa couverture - un manifestant casqué faisant face, pavé en main, à un cordon de forces de l'ordre - cet  album annonce la couleur : elle sera rouge. Comme celle de l'idéologie qui anime les personnages de l'histoire de Jörg Ulbert, ou comme celle du sang qui a nécessairement coulé en ces années 70-80 en Allemagne, du côté de Berlin, ou d'ailleurs. Et quant on retourne l'album, on peut y lire :

"Théorème de Karinthy, également appelé « Les six degrés de la séparation » : modélisation des relations humaines établie par le Hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938). Tout individu sur Terre serait relié à n'importe quel autre par une chaîne de connaissances personnelles composée tout au plus de cinq maillons. Au début des années 1980, la police fédérale allemande se sert de ce théorème pour retrouver la trace de terroristes vivant depuis des années dans la clandestinité. "

Voilà donc le lecteur prévenu : il ne va pas se plonger dans un de ces nombreux thrillers qui n'ont d'autre but que de le divertir en jouant la carte du sensationnel -  devenu d'ailleurs conventionnel au fil de piles d'albums interchangeables - mais bien s'apprêter à être confronté avec l'Histoire contemporaine de l'Europe, celle des utopies révolutionnaires, des terrorismes et de leur répression. Celle des "années de plomb", dont les traces sont encore visibles de nos jours.  Et c'est passionnant !


Pour raconter leur vision des mouvements terroristes qui ont agité la RFA et la RDA, les auteurs ont choisi de les faire découvrir de l'intérieur, en suivant, en chapitres parallèles, deux personnages principaux : Otto, flic dont la mission est d'infiltrer un groupe d'activiste d'extrême gauche, pour pouvoir arrêter un chef de réseau et Martin, justement la cible d'Otto.

On suit ainsi d'abord l'arrivée d'Otto à Berlin, et tout son parcours, où il reproduit le plus fidèlement les faits et gestes de celui qu'il traque : inscription à la fac, passage de l'examen de chauffeur de taxi (un métier en or pour passer anonymement entre les mailles des contrôles policiers), fréquentation des bars, politisation. En un mot : se fondre dans le décors, faire partie des meubles, et se faire repérer, accepter par les activistes comme l'un des leurs... sans jamais vendre son âme, ni tomber dans l'illégalité. Mission difficile, sur la corde raide la plupart du temps.
Du côté de Martin, le retour à Berlin est motivé par l'esprit de vengeance : il s'agit de retrouver le responsable de celui qui a causé la mort de sa compagne, au cours d'une arrestation qui a mal tourné. Il doit prendre tout autant de précautions qu'Otto, mais d'un autre ordre... Tout en continuant à agir pour la cause qu'il croit juste. Ici, celle de la défense des nombreux squatts de la ville, autorisés pour certains, les plus anciens et dont les propriétaires ne portaient pas plainte,  mais interdits très vite pour les nouveaux, et violemment à l'encontre des squatters.

Cette trame narrative de Jörg Ulbert permet de donner à voir un Berlin de 1981, méticuleusement reconstitué, que le dessinateur Jörg Mailliet (ici son blog) explore dans ses endroits les plus obscurs, abandonnés, oubliés. Cette plongée dans un réel vieux de trente ans fait toute la force de cet album, et lui confère une authenticité proche du documentaire... même si cela reste une fiction. Une page de notes recontextualisant les événements de l'époque vient d'ailleurs appuyer le côté historique de l'entreprise, sans que jamais d'ailleurs la fluidité de la lecture n'en soit entravée. Ajoutez à tout cela une bande-son qui accompagne les 124 pages de ce récit, où les radicaux américains Dead Kennedys côtoient leurs homologues allemands de Beton Combo, et vous tenez là un album à haute teneur subversive, et un regard intelligent sur une période où les populations étaient parfois (souvent ?) en plein désarroi. Le Théorème de Karinthy est au final un album riche, qui appelle plus d'une lecture et donne à penser à celui ou celle qui s'y plonge, et rien que pour cela, il est précieux. Et certainement, déjà, une des grandes réussites de cette année 2014.

Le Théorème de Karinthy - Berlin, 1981
Scénario Jörg Ulbert et dessin Jörg Mailliet
Des Ronds dans l'O, 2014 - 124 pages couleurs - 22 €

mercredi 19 février 2014

[Originaux ] – Bézian expose son Docteur Radar à la Galerie Glénat (Paris) jusqu'au 11 mars 2014

Le 15 janvier dernier sortait aux éditions Glénat le très réussi Docteur Radar de Frédéric Bézian, sur un scénario de Noël Simsolo. Le duo avait déjà été associé sur l'inquiétant "Ne touchez à rien", et récidive avec cette histoire qui emprunte les voies du polar comme celles du fantastique. Dans un Paris des années 20, des scientifiques, tous spécialisés dans la conquête spatiale, sont assassinés un à un, par le redoutable Docteur Radar, insaisissable car véritable artiste du déguisement.
Pour cet album envoûtant, Frédéric Bézian confesse volontiers comme il a imaginé "son" Paris : 
"Une sorte de bricolage poétique... d'où les allusions au lettrisme, à l'expressionisme, au Bauhaus, les emprunts aux décors de Fernand Léger, et les robes du soir d'Isaure Saint-Clair ou des dames perçues "Chez Maxim's". Du coup, aucun état d'âme concernant d'éventuels anachronismes : certaines voitures apparaissent cinq ans trop tôt, les éclairages sont plutôt influencés par ceux d'Orson Welles, certaines villas sont des décalages de celles créées par Mallet-Stevens vers 1925 et après."

Pour vous immerger dans cet univers, il ne faut pas manquer de vous rendre à la galerie Glénat, au Carreau du Temple, 22 rue de Picardie à Paris (3ème) où est organisée une exposition des planches originales du Docteur Radar.
A noter qu'une édition spéciale Noir et Blanc est sortie parallèlement à la version courante (couleurs) de l'album.

Docteur Radar 
Scénario Simsolo et dessin Bézian.
Glénat, 2014 - 64 pages couleurs - 19,50 €
ou 80 pages noir et blanc - 49,00 €

samedi 15 février 2014

[Nouveauté] - Perico, de Hautière et Berthet (Dargaud)


Cuba, 1958. Joaquin Lima est un jeune  home qui  bosse tous les jours comme serveur au casino Sans-Souci, propriété du parrain local, Santo Trafficante, un homme craint, et proche de Batista, l'homme encore (fort du)  au pouvoir, mais dont l'armée peine à contenir les rebelles castristes. Joaquin ne fait pas de vagues, et ses rêves ne le portent pas plus loin que les murs du  Sans-Souci, dont il espère un jour diriger l'une des tables de jeu. L'arrivée de Carlos, son frère, va venir chambouler cette vie tranquille : en acceptant de le prévenir de l'arrivée d'un américain au casino, Joaquin se trouve très vite mêlé à une affaire plus que dangereuse et qui va le pousser à fuir, en compagnie d'Elena, belle à tomber et sublime chanteuse,...  et surtout  protégée de Santo Trafficante. Le jeune Joaquin va-t-il avoir les épaules assez solides pour résister à la meute ?

Philippe Berthet, dont les débuts s'inscrivirent sous le signe du polar, avec "Couleur café" (1980), et surtout les trois enquêtes du Privé d'Hollywood (avec Rivière et Bocquet, 1985-90), renoue avec le genre avec ce Perico - "perruche" en espagnol, mais aussi cocaïne en argot cubain- et emmène à nouveau ses lecteurs sur les routes américaines, qu'il affectionne particulièrement, avec un départ de Cuba, cette fois. Et comme dans son excellent "Sur la route de Selma" (scénario de Tome) (Dupuis, 1991) (un des meilleurs polars des années 90)(et fin des parenthèses), voici les personnages entraînés dans ce qui s'annonce comme un road-movie sous tension. Régis Hautière en jette en tous cas dans le  premier tome de ce dyptique les bases solides, en présentant la proie, les chasseurs... et la femme (peut-être ?) fatale au milieu. Le tout avec une toile de fond historique bienvenue, qui permet à Berthet de restituer une atmosphère fifties toute en élégance - sa marque de fabrique - et violence feutrée à la fois.  Les couleurs de Dominique David, magnifient quant à elle les ambiances nocturnes, les scènes de bar, dans les chambres et donnent ce ton tranquillement inquiétant à Perico. Au final, un premier tome qui aiguille la curiosité, pour un retour intéressant au genre par le dessinateur.  Cet album, ouvre d'ailleurs, une collection "Ligne noire", dirigée par Berthet lui-même.

Et depuis le 13 février, jusqu'au 9 mars, la Galerie Champaka, à Bruxelles, accueille une exposition, avec notamment, les originaux de Perico. Pour plus d'info, c'est par ici.

Perico - Tome 1
Texte Régis Hautière et dessin de Philippe Berthet
Dargaud, 2014 - 64  pages couleur - Collection Ligne Noire
14,99 €

samedi 8 février 2014

[Nouveauté - Comics] - Sin Titulo, de Cameron Stewart (Ankama)

"C'est comme si ma vie entière était un tapis qu'on avait brusquement retiré sous mes pieds, mais au lieu de retourner sur le sol, je chute sans fin. Et je ne sais pas où se trouve le fond"

Cette réflexion, Alex McKay, jeune homme effacé, la partage avec John, un homme qui a accepté de le prendre à bord de sa voiture, sur le parking de l'hôpital dont Alex venait de s'évader, pour échapper à la surveillance de la police postée à la porte de sa chambre... Ce séjour à l'hôpital est le point d'orgue d'une succession d'événements qui ont débuté par la visite d'Alex à Robert, son grand-père, à sa maison de retraite. Une visite déstabilisante pour le petit-fils : il commence par apprendre que le grand-père en question est mort depuis un mois, et ensuite, on lui remet, en échange, une boîte en carton, pour solde de tout souvenir. A l'intérieur, Alex découvre une photo étonnante d'un Robert MacKay souriant, une belle et mystérieuse blonde à lunettes noires à ses côtés. En légende : "Visite de D. 13/05". Muni de ce seul indice, Alex tente d'identifier la jeune femme, et petit à petit, il va être pris dans une spirale infernale qui le conduira, donc, à la voiture de ce John, un homme disposé à l'écouter et le croire. Mais ce que ne sait pas Alex c'est qu'il est loin d'en avoir fini avec cette histoire, et qu'en fait de point d'orgue, le passage à l'hôpital et la rencontre avec John sont plutôt de nouvelles portes qui s'ouvrent. Mais vers quoi ? Mystère...
Voici un album vraiment déroutant, comme ma tentative de vous en restituer l'ambiance peut vous laisser le supposer. A mi-chemin entre le thriller teinté de surnaturel, et la quête intérieure, "San Titulo" est une oeuvre qui ne se laisse à aucun moment enfermer dans un genre, et qui appelle plus d'une lecture. Alex MacKay est déboussolé par tout ce qu'il découvre au fur et à mesure de sa quête, faite de découvertes qui se téléscopent avec des images mentales inquiétantes et des souvenirs d'enfance parfois terrifiants. Pris dans un tourbillon aux accents parfois kafkaiens, le héros paumé de Cameron Stewart pourrait tout aussi bien arpenter Mullholland Drive, tant la réalité qui est la sienne passe son temps à se distordre. On le suit dans sa recherche de la vérité, comme dans un long rêve, et Sin Titulo s'ouvre d'ailleurs par un prologue en forme de songe récurrent. Et se termine par une case noire... comme il avait commencé. Entre ces deux vignettes, 1278 autres, en bichromie sépia, alignées implacablement sur 160 pages, imposent leur rythme lancinant, quasi-fascinant.
Vainqueur d'un Eisner Award en 2010; (celui du Webcomic), Sin Titulo est une bande dessinée américaine en marge de la production habituelle, ne serait-ce que par sa forme, plus proche du comics-strip que du comic-book habituel. D'abord publiée en ligne, elle parait en France chez Ankama sous le label Hostile Holster, qui n'a jamais hésité à faire preuve d'audace et de curiosité . Le choix de publier ce comics hors-norme en est une autre preuve et il faut à nouveau saluer la richesse de ce label, que tout amateur de noir se doit de connaître ou de découvrir.
Sin Titulo
Scénario et dessins Cameron Stewart 
Ankama, 2014 – 166 pages noir et couleur – Collection Hostile Holster –19,90 €

mardi 4 février 2014

[Collector] - Dur à cuire, un hommage distingué de Gérard Auclin (Hoochie Coochie)

Petite soirée entre amis. Dans le salon, on se laisse un peu aller : allongé sur le dos, la chemise ouverte sur une bedaine rebondie, un homme ouvre un large bec, où le vin coule directement du cubi tenu par une invitée en bas résille. Adossé à un mur, sous une affiche de Grosdada, un autre cuve, en ronflant, une bouteille vide et un verre renversé à ses côtés. Sur le canapé, un troisième convive, stoïque, ne semble pas prêter attention à son voisin, qui a baissé son froc à demi et s'apprête à donner un happening qui s'annonce spectaculaire et odorant. Et au premier plan la maîtresse de maison, Marie, apparemment pas gênée par le spectacle environnant, appelle un dénommé Victor, qui n'est autre que son homme. Mais Victor ne répond pas, car il est occupé aux toilettes avec une blonde à genoux à ses pieds, très désireuse de lui faire plaisir. Semble-t-il. Victor n'a pas l'air contre cet enthousiasme et, pris par sa fougue lors d'un changement de position judicieux, il pose le pied sur le couvercle des WC. C'est le début des emmerdements : sa jambe passe au travers du couvercle et il se trouve coincé.... Quelques mouvements risqués plus tard, il tombe en fracassant la porte des chiottes et se retrouve par terre, devant tout le monde, le pied toujours pris dans le couvercle jacobin-delafoniste. La journée va être longue pour Victor Anthracite...

Bon, je vous préviens : c'est comme ça jusqu'au bout. Car après cet épisode initial, notre héros va être entraîné dans un tourbillon d'événements qu'il peinera à maîtriser. Voire qu'il subira sans vergogne. Il croisera la route de petites frappes, trouvera un sac plein de fric, n'en profitera pas beaucoup, fera connaissance avec un âne (un vrai, pas un couillon comme lui) et, et, et... j'arrête là la description de la tragique destinée de Victor Anthracite, personnage central de ce pastiche de série noire écrit et dessiné par Gérald Auclin. En 75 pages au petit format (avec 3 ou 4 cases par page), sous jaquette imitant la célèbre collection de Gallimard, l'auteur nous livre un petit bijou de grand n'importe quoi. Le style graphique est pour le moins sobre, sans chichi, et les ingrédients du récit sont du fric, du cul, des flingues (un peu) et des abrutis (pas mal). Franchement, c'est assez roboratif : si vous êtes déprimé et tout mou, lisez-donc "Dur-à-cuire"; ça donne la pêche. Mais ne trainez pas : ce collector en puissance a été tiré à 50 exemplaires (numérotés je vous prie) et j'imagine qu'il ne court pas les rues. Je l'ai trouvé à Angoulême sur le stand des éditions "Hoochie Coochie", et le mieux est encore de passer par le blog de la maison mère, juste ici.

Une maison sérieuse, la preuve, elle s'apprête à rééditer l'album de Mokeït "La chute vers le haut", un petit chef-d'oeuvre paru en 1987 dans la collection "X" de Futuropolis.


Dur-à-cuire
Scénario et dessin Gérarld Auclin
The Hoochie Coochie, 2014 –75 pages noir et blanc - 9 €

dimanche 2 février 2014

[Trompettes] - Le Fauve Polar SNCF 2014 à "Ma révérence" (Delcourt)

Cette fois, c'est la bonne pour Wilfrid Lupano ! Après avoir été sélectionné en 2013 pour le Fauve Polar, parrainé par SNCF (pour le tome 2 de "L'assassin qu'elle mérite", dessiné par Yannick Corboz), le scénariste décroche la timbale avec son compère Rodguen pour leur excellent "Ma Révérence", publié par Delcourt. Le Fauve Polar 2014 va donc à cette équipée un peu branque de Vincent Loiseau et Gaby Rocket, deux hommes prêt à se lancer dans le braquage pour aller jusqu'au bout de leur rêve. Une histoire vivante, humaine, qui a su séduire le jury et que Bédépolar avait également apprécié à sa sortie (ma chronique ici). Bien joué, les gars ! Merci à miss Clem, pour cette photo prise au moment de la remise des prix. 
Et une autre, tiens, prise la veille, sur l'espace polar SNCF, alors que le duo ne savait pas encore qu'il allait passer à la postérité... 
 Le site de Rodguen, c'est par là, et la page  Facebook de Lupano, par ici. 
Et en prime, recueillis par Laurence Le Saux  sur le site de Télérama, les commentaires de trois planches par les auteurs.