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dimanche 15 décembre 2013

[ça va cogner] - Revanche, prénom : Thomas. L'ange purificateur (économique) de Pothier et Chauzy...

Alors voyons, commençons par ce qui se passe au dos de ces deux albums. Le texte d'accroche est un peu mystérieux :
"Je m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la justice sociale. Avec ou sans arme".
Quant au dessin qui accompagne cette entrée en matière, que raconte-t-il ?
On y découvre le dénommé Revanche, bien droit sur le trottoir, une clope à la main, dans un costume bleu impeccable, et une coupe de cheveux qui ne l'est pas moins. Une tête, à lunettes, de premier de la classe : ça, c'est pour le premier boulot. Mais il y a forcément autre chose, et elle se trouve de l'autre côté de la rue, là où le regard de Revanche se pose, : la vitrine du bouquiniste "Les Raisins de la colère".
En fait, c'est la porte de cet endroit chargé de livres, et de sens, que viennent franchir les outragés de la société, celles et ceux qui sont broyés par un patron, un chef de service, un collègue harceleur... et qu'ils viennent prononcer la phrase magique : "Bonjour, je viens prendre ma revanche". Et là, Thomas entre en scène pour son deuxième boulot, celui qui lui permet de se faire un pourfendeur, à coups de poing, d'un monde du travail vraiment trop pourri. Et franchement, on peut se dire que ça fait du bien de voir enfin quelqu'un défendre la cause du peuple d'une manière aussi radicale...
En douze histoires courtes (chaque album en contient six) de huit pages chacune, Nicolas Pothier et Jean-Christophe Chauzy font intervenir son "héros" contre, entre autres, un fabricant de silicone douteux, des exploiteurs de travailleurs sans papiers, un flic harceleur conduisant une collègue au suicide, un patron qui vide son usine le week-end pour la reconstruire en Chine, un marchand de sommeil abusant de la faiblesse d'une vieille dame... N'en jetez plus, on se croirait au 20 heures (enfin, je sais pas, le 20 h, ça fait longtemps que je regarde plus, vu la manière dont sont traités les sujets, mais je m'égare...), en tous cas dans les pages "société" de la presse nationale... ou locale.
Le tour de force du duo est de rendre ces histoires tout à fait crédibles... car tout droit sorties de notre quotidien. L'idée de génie est d'appliquer les codes du récit de super-héros (double identité, volonté de lutter contre le mal, tiraillements psychologiques...) au monde impitoyable du travail, mondialisé, inégalitaire et anxyogène... Et tous ça sans que la lecture de ces scènes de la vie ordinaire, ne poussent le lecteur au suicide. Au contraire ! Les baffes bien senties de Thomas Revanche à ses "victimes", les humiliations qu'il fait sentir aux exploiteurs à la petite semaine, aux chefaillons de tous poils, ont un effet revigorant. Cela fonctionne car c'est intelligent dans la dénonciation du monde de l'entreprise tel qu'il est - et non tel qu'il voudrait nous faire croire qu'il est - et qu'il y a une part d'humour distancié dans les réflexions pour lui-même de Thomas Revanche. Une ironie constante, dont on sent bien que c'est un rempart pour ne pas craquer, lui aussi. Quant au dessin de Chauzy, il est parfait, en particulier quand il s'agit de faire exprimer tous les sentiments par lesquelles passent bourreaux et victimes lorsqu'ils croisent la route de Thomas Revanche... ou avant.
Voilà. C'est bientôt Noël : vous savez ce qu'il vous reste à faire. Appeler Thomas Revanche pour lui dire de faire un tour du côté de ce super marché, pas loin de chez vous, ouvert jusqu'à 22 heures mardi 24 décembre, et de demander au patron comment il paye son Père Noël. Ou lui offrir ces deux tomes de Revanche. Il comprendra peut-être. Ou pas. Mais il ferait bien de se méfier.

Revanche
Texte Nicolas Pothier et dessin Jean-Christophe Chauzy
1 - Raison sociale
2 - Société anonyme
Treize Etrange, 2012 et 2013 – 48 pages couleur chaque - 13,90 €



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