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Bonne balade dans le noir !

samedi 3 septembre 2011

Futuropolis : La Faute aux Chinois et Les larmes de l' assassin

Le catalogue Futuropolis s'enrichit petit à petit de véritables perles du noir. Retour sur deux - excellents ! - albums, parus à quelques mois d'intervalle.

Louis est un employé discret dans une usine d'abattage de volaille. Jamais un mot plus haut que l'autre. Pourtant, quand deux de ses collègues de la chaine s'en prennent un peu grassement à la chétive Suzanne, secrétaire qui a eu la mauvaise idée de descendre dans l'antre des découpeurs de cous de poulets, le sang de Louis ne fait qu'un tour et le voilà à défendre la jeune femme. Une robe achetée plus tard, suivie de plusieurs autres, et le voici bientôt à l'église, où avec Suzanne, ce sera désormais pour la vie. Avec Suzanne, mais aussi avec son encombrant frère Jean-Claude, cent cinquante kilos, à l'humour aussi léger que l'embonpoint. Et à l'emprise totale sur sa soeur. Bientôt, l'omniprésent beauf va trouver que Suzanne ne mène pas une vie à sa mesure, et il va se charger de faire grimper les échelons de la société à Louis, en l'entraînant sur une pente glissante : Louis devient un véritable liquidateur, marionnette au service de Suzanne et Jean-Claude...

Aborder la lutte des classes, les délocalisations, les grippes aviaires et porcines, l'anorexie, les relations frère-soeur, et j'en oublie certainement, on ne peut dire que « La faute aux Chinois » manque d'ambition ! Et ça marche... Car derrière tous ces sujets rencontrés au fil des pages, il y a la vie peu envieuse de Louis Meunier, qu'Aurélien Ducoudray et François Ravard narrent dans ses détails du quotidien, avec une grande humanité, mais aussi un certain humour noir quand il s'agit de décrire les activités peu orthodoxes de leur « héros ». En fait, cet album réussit le tour de force d'exposer les ravages du capitalisme le plus sauvage, celui qui oppresse les travailleurs du monde entier, en empruntant les chemins d'une histoire qui semble délirante. Et pourtant... qui sait jusqu'où les hommes et les femmes seront poussés pour trouver un boulot, le garder et s'en sortir mieux qu'en vivotant ? On pense parfois au roman de Westlake « Le Contrat » où à celui de Jason Starr « Simple comme un coup de fil », en lisant cette « Faute aux chinois », surtout quand le beau frère (quel personnage !) fait place net pour l'ascension de sa soeur... Mais c'est tout de même la figure de Louis, homme honnête mais parfois dépassé par les événements, et fou d'amour pour sa fille malade, qui reste en mémoire une fois la dernière page tournée. Comme une figure de la résistance, un peu monstrueuse, mais terriblement contemporaine...

La Faute aux Chinois
Scénario Aurélien Ducoudray et dessin François Ravard
Futuropolis, 2011. – 152 pages couleur - 21 €


Un second album paru en début d'année chez Futuropolis mérite tout autant votre attention : c'est celui signé Thierry Murat, adaptation du roman « pour la jeunesse » d'Anne-Laure Bondoux, Les Larmes de l'assassin. L'histoire est celle du jeune Paolo, qui vit avec ses parents dans le dénuement et l'isolement les plus extrêmes, dans des contrées arides, en Patagonie. Un homme traqué arrive, un truand, qui n'hésite pas à liquider les adultes pour s'installer dans leur misérable ferme, où il espère que la police ne le retrouvera pas. Il a épargné l'enfant, et une étonnante relation naît entre Paolo et l'assassin de ses parents. Le roman était splendide – il a été primé une vingtaine de fois – la bande dessinée l'est tout autant. Thierry Murat a su trouver les images les plus fortes et les plus justes pour traduire visuellement l'interaction paysage / émotions des hommes omniprésente dans le récit initial de la romancière. Ses planches sont composées dans leur majorité de deux ou trois grandes cases, elles-mêmes aux arrières-plans le plus souvent vierges de tout décors : un choix qui fait des personnages, tantôt silhouettés, tantôt campés en plans rapprochés où les visages sont des plus expressifs, le principal vecteur des émotions. Le texte sait se faire discret tout au long des pages, au point que la traditionnelle bulle disparaît, et ne subsiste qu'un simple trait pour relier les mots à ceux qui les prononcent... Au final, c'est un véritable récit illustré qui est donné à lire, une bande dessinée bien évidemment, mais qui sort graphiquement des sentiers battus, et nous emmène vers un ailleurs complètement fascinant. Les adaptations ne sont à mon sens vraiment réussies que lorsqu'elles sont avant tout elles-mêmes des oeuvres autonomes, mais qu'elles conservent l'essence, l'esprit, de leur matrice textuelle. Ces Larmes de l'assassin version Murat, entrent dans cette catégorie, et par la grande porte.

Les Larmes de l'assassin
Scénario et dessin Thierry Murat,
d'après le roman d'Anne-Laure Bondoux.
Futuropolis, 2011 – 128 pages couleurs – 18 €

1 commentaire:

  1. "Les larmes de l'assassin" est vraiment un grand album ou les silences disent plus que tout le reste. Gros coup de coeur pour moi.

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